Die Nacht/La nuit (magasine de création)

Nuit élégante et saugrenue, qui met à l’honneur, entre autres, Ishibashi et Sato avec leur soap destroy, le bien nommé The Fuccon Family.
Accent SUI l’Extrême-Orient dans cette quatorzième et splendide édition de la plus belle (et unique) émission expérimentale du PAF, introduite par d’élégants papillons filmés par Thierry Augé. On enclenche direct sur un délirant soap opera nippon de Yoshimasa Ishibashi et Sakishi Sato, The Fuccon Family, décliné en épisodes au cours de La Nuit. Mettant en scène trois mannequins de vitrine occidentaux, un homme, une femme, un enfant – tous pourvus de sourires Ultra-brite-dans un pavillon de banlieue au décor sixties, ce feuilleton archi-distancié colle des dialogues en japonais sur ces figures inertes.

la nuit à ParisEffet kitsch garanti, qui s’apparente au Pop Art et à ses prolongements décadents. On pense aux photos de Bernard Faucon qui, il y a vingt ans, mettait en scène mannequins et enfants dans des décors naturels et épurés. Mais ici, ce sont les clichés de la famille occidentale qui sont mis en pièces par des dialogues et situations absurdes et cruels (enfant brûlé, kidnappé, coupé en morceaux). Des haïkus décapants. Dans le même ordre d’idées, en moins sado-maso, l’Allemande Celia Rothmund filme en plan fixe, dans Portraits, des familles immobiles avec en bande-son leurs airs favoris. Des tableaux de genre hyperréalistes, qui sont l’équivalent savant des clichés populaires pris par les photographes de quartier d’antan. Idem pour la Coréenne Kim Sooja, qui, elle, nous tourne le dos, filmant son immuable silhouette, immobile comme une statue au milieu de foules chinoises, égyptiennes, africaines, indiennes, occidentales (A Needle Woman). Extraordinaire travail de sampling sonore et visuel dans Broadcuts de Claudio Sinatti, Minu Paine Cuadrelli et Sun Wu-Kung, qui prolongent les expériences du pionnier Nam lune-Paik sur un mode délibérément musical, à partir d’images et de sons péchés à droite et à gauche à la télé. Un formidable collage qui est la forme la plus aboutie de la vidéo-techno. Autre pôle de ce numéro: l’animalité sous toutes ses formes. Entomologie, taxidermie, et un document archéologique des inclassables Gianikian, intitulé Animali criminali, ou l’on assiste à des luttes à mort entre insectes, batraciens, coqs, et reptiles (un boa ingurgite un porcelet !), à peine atténuées et esthétisées par le ralenti, l’usure de la pellicule et des teintes monochromes. Terrible et archaïque. Terriblement archaïque.

Il ne faut pas oublier une recherche permanente et pointue dans les sons et les musiques, dont on ne sait s’ils sont surajoutés au stade de la conception du programme ou dus aux différents cinéastes qui le composent. D’ailleurs, il semble que Die Nacht comporte à part égale commandes et œuvres préexistantes. Le seul grief qu’on pourrait formuler à l’égard de cette émission est son morcellement en segments d’une brièveté parfois très frustrante. Remarque évidemment subjective.

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