Traits de Marker

Cher Chris Marker,

Au milieu d’une semaine de vacances – donc sans télévision, ou presque-, je suis tombé sur votre interview dans les pages cinéma de mon quotidien habituel . Interview réalisée par e-mail: ce n’est pas parce que vous avez atteint l’âge vénérable de 81 ans que vous ne devriez pas vivre avec votre temps, comme vous l’avez toujours fait. Dans ces pages d’une intelligence et d’une hauteur de vue remarquables, empreintes à la fois de légèreté et de profondeur (deux vertus rarement réunies de nos jours), vous consacrez quelques paragraphes à la télévision. L’avantage que vous avez sur beaucoup de ceux qui la critiquent, c’est que vous – pourtant à l’opposé de ce qui constitue son essence, ce flux ininterrompu d’images, cette occupation coûte que coûte de l’espace et du temps -, vous la regardez. Pas n’importe quoi, bien sûr, mais en étant conscient que ce n’importe quoi existe, et même domine: « J’ai un rapport complètement schizoïde avec la télé, écrivez-vous. Lorsque je me crois seul au monde, je l’adore, surtout depuis qu’il y a le câble, (…) catalogue des antidotes aux poisons télévisuels. Maintenant il y a les moments où je me souviens que je ne suis pas seul au monde, et là je m’effondre. La progression exponentielle de la bêtise et de la vulgarité, tout le monde la constate (…). Sans parler de l’agression permanente contre la langue française. « Le plus populaire des médias de masse serait ainsi devenu, paradoxalement, le lieu d’une « fracture sociale » qui ne dit pas son nom. Sans aller jusqu’à prétendre que la bonne télé est réservée à une élite, il y a quand même là un problème qui mérite d’être soulevé (et qui ne l’est guère). Un peu plus loin, vous évoquez le « bruit » médiatique, qui ‘’finit par tout recouvrir ». Bien qu’étant conscient d’apporter parfois ma voix à ce bruit qui rend mou, je ne peux qu’espérer avec vous entendre d’autres musiques, à la télé comme ailleurs. Sinon, il reste toujours le silence, et vous l’avez sans doute compris mieux que personne.

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