Le temps des boni : documentaire de Franck Nicotra

André et Guy Boniface ont marqué leur époque et l’histoire du rugby. A travers eux, c’est l’esprit même de ce jeu aujourd’hui dévoyé qui revit.

C’était un autre temps. Celui d’un rugby dont l’enjeu était double mais des plus simples: se faire plaisir et faire plaisir. Les frères Boniface symboliseront toujours aux yeux de l’Ovalie, ce jeu évanoui fait de gestes déliés, de cadrages-débordements et autres passes croisées. Un rugby de légende, une histoire de gestes qui ne se transmet plus que par l’écrit ou la parole.

journal l'équipeDenis Lalanne, dans les pages du journal L’Equipe, et plus tard dans ses livres, a su nous faire vivre – ou revivre-la générosité de ce rugby des années 60. Il a écrit Le Temps des Boni. C’est de ce livre que s’est inspiré Frank Nicotra qui, après un film sur sa vie de boxeur (La Vie en rose), a choisi d’interroger ceux qui se souviennent avoir été les apôtres du « beau jeu » tourné vers l’attaque. Un passé fondateur qui se transmet donc aussi par la parole. Celle des Darrouy, Crauste, Gachassin ou Albaladéjo qui rendent hommage aux frères Boni, mythiques chevaliers de l’attaque qui firent le bonheur de Mont-de-Marsan ou de l’équipe de France.

Mais qu’avaient-ils donc de plus pour prétendre aujourd’hui incarner ce rugby épique et toute une époque? D’abord, ils étaient frères. Toujours côte à côte, à s’effleurer, soudés par une indéfectible fraternité qui les rendaient complémentaires: André était l’aîné et le plus doué, le maître à jouer que vénérait son cadet Guy. Ce dernier, plus « tignous », était le finisseur inspiré, il avait dû déployer une énergie fantastique pour rejoindre son frère en équipe de France. Ensuite, à la différence des Spanghero ou des Herrero par exemple, ils étaient trois-quarts centre, numéros 12 et 13. Le poste clé de l’époque qui faisait rêver tous les gamins landais. Le cadrage-débordement, magnifiquement explicité par André dans le film, orientait alors le jeu du centre vers l’aile, instaurant une fluidité sans comparaison avec le jeu d’impacts sans tact des professionnels. Et puis, ils étaient bien entourés. Le père trouvait toujours que le match avait été beau, les coéquipiers avaient, comme eux, une certaine idée du rugby, sensible et humaine. De magnifiques images (celles d’un Cinq colonnes à la une sur le tournoi, celles de la finale de 1963 remportée par le Stade montois) rappellent ce qu’était ce rugby-là.

Après une défaite à Cardiff, la Fédération aura raison de ces esthètes libertaires. Le temps des Boni tirait à sa fin. Une fin dramatique précipitée par le décès accidentel de Guy, dont son frère ne devait jamais se remettre. Aujourd’hui, le stade de Mont-de-Marsan porte le nom de Guy Boniface et une statue est là pour rappeler aux petits de l’école de rugby qui il était et ce qu’il incarnait.

Le film entretient ce souvenir ému. Si André dit faire confiance à sa mémoire plutôt qu’au magnétoscope, témoignages et images célèbrent ici ce rugby du dimanche après-midi. Un rugby de l’écrit, comme le dit Lalanne, que nous racontent avec émotion des grands-pères ou des pères dépassés par ce que l’on appelle le rugby moderne.

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