A cran

Avec la mini-série A cran, France 2 tente une nouvelle case dédiée au polar-thriller en deux soirées successives. Essai réussi.
La vie quotidienne d’un commissariat comme un autre … Au départ, ce n’est pas vraiment l’idée du siècle. Mais, outre qu’il est fort heureusement plus proche du regretté Police District que du ronronnant Pl, ce double go-minutes prend le pari de jouer habilement avec quelques clichés du genre pour mieux les renouveler. On n’échappe donc pas aux affaires de pédophilie ou de racket au collège. Or, sans être traités par-dessus la jambe, ces poncifs du polar social ne sont pas au centre de l’histoire et des histoires brillamment écrites à quatre mains par Marie Montarnal et Gérard Carré.

Si les flics sont ici « à cran », c’est d’abord et avant tout parce que leurs rapports professionnels ressemblent à des pugilats quotidiens. Tout commence d’ailleurs par le suicide de l’un d’entre eux, à l’intérieur même du commissariat, ce qui n’est pas sans rappeler la séquence fondatrice du Cousin d’Alain Corneau. Là n’est pas l’unique parallèle que l’on pourrait faire avec ce film injustement méprisé sa sortie: flics véreux et flics vertueux, indics manipulés, le tout sur fond de déprime, les deux univers se répondent. A cran innove cependant avec l’intrusion d’un personnage de premier plan, superbe invention scénaristique que les deux auteurs utilisent avec beaucoup d’habileté. Au beau milieu de ce commissariat rongé par le doute et la culpabilité, ils balancent un psychologue expert en sciences criminelles, censé remonter le moral des troupes à travers des entretiens individuels, le local des archives tenant lieu de divan. Notons au passage que ce rôle est tenu par le jubilatoire Didier Bezace, lequel entraîne dans son sillage un casting étonnant de justesse, avec une mention spéciale pour un trio féminin composé de Dominique Reymond (la femme du psy), Charley Fouquet et Julie Bataille (deux femmes flics qui pourraient donner l’envie d’embrasser la carrière …), sans oublier un Paul Crauchet qui, en père indigne du psy, fait des merveilles.

logo de la chaîne France 2Le tout habilement réalisé par Alain Tasma qui, pour tourner caméra à l’épaule, ne confond cependant jamais fiction et vrai-faux reportage, qualité qui tend à se faire rare, tant les réalisateurs de polars télévisés semblent précocement touchés par la maladie de Parkinson. Ce qui fait que l’ensemble fonctionne, c’est précisément ce personnage de psy qui, loin d’être un ange blanc descendu du ciel, se trompe, hésite, empêtré qu’il est dans ses propres problèmes. On évite alors tout manichéisme. Chacun bricole comme il peut dans un ballet terriblement humain. Les ripoux sont émouvants, le flic facho finit par l’emporter sans pour autant aller au paradis, et rien n’est vraiment résolu. N’en déplaise aux thuriféraires aveugles des divinités télévisuelles américaines. A cran distille sa petite musique singulière avec intelligence. Il se murmure que France 2 envisagerait de donner une suite à cette mini-série, si Saint Audimat répond présent. La sagesse laïque voudrait, elle, qu’il en soit ainsi dès à présent: on ne liquide pas une équipe qui gagne.

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